En face du prévenu, un petit homme frêle de 88 ans, un mouchoir à la main, essuie son visage en larmes. Le prévenu, bien que regrettant son geste d’une extrême violence, n’émet pas le moindre mot d’excuses depuis le box, lors de son jugement le mardi 23 mai.
19 plaies et 7 coups de couteau
Cheveux bruns coupés courts, sweat rouge, pantalon sombre, le prévenu, 45 ans, a l’élocution difficile. Assommé par les anxiolytiques, il lâche : « J’ai le cerveau complètement vide à cause des médicaments.. Je suis stressé ». Diagnostiqué bipolaire, avec six séjours en hôpital psychiatrique entre 2008 et 2021, le prévenu a visiblement décompensé le jour du drame, alors qu’il partageait depuis quelques années l’appartement en rez-de-chaussée d’un octogénaire solitaire, chemin de la Croix Rouge à Annecy. « Je m’occupais de lui, en échange il m’hébergeait. » Le dossier fait état d’une première altercation en février 2022, provoquant la chute du vieil homme et des points de suture. Mais le 28 avril 2022, vers 8 heures du matin, la violence monte d’un cran. Alors que l’origine de la querelle reste floue, le prévenu s’empare « du plus grand couteau trouvé dans la cuisine », une lame de 18 cm sur 4 cm de large, et frappe le vieillard au visage à sept reprises. La victime se défend et se blesse. 19 plaies seront retrouvées sur son corps, ainsi qu’une lésion à 3 millimètres de la carotide.
« Je me rappelle avoir forcé la lame contre son cou, mais je ne voulais pas le tuer », avoue le prévenu. La victime est grièvement blessée à la bouche et à la langue, et aura des difficultés pour s’alimenter pendant trois mois. L’agresseur sera arrêté quelques heures plus tard, en train de jouer au ping-pong, avec des traces de sang sur lui.
Climat de violence
Sur le banc des parties civiles, l’octogénaire pleure et refuse de témoigner. Il avait rencontré son agresseur trois ans plus tôt dans un supermarché, l’homme lui avait porté ses courses. La vie semblait s’écouler en dents de scie, car ce dernier quittait parfois l’appartement pour repartir chez sa mère, avec laquelle il avait aussi des altercations.
Pour l’avocat de la partie civile, Me Philippe Métral, il décrit son client meurtri , faible et malade. Il s’exclame en regardant le box : «Je regrette que vous ne vous excusiez pas ! Vous l’avez (la victime) laissé baigner dans son sang ! »
L’avocat décrit un climat de peur et de violence, avec l’agresseur qui laissait parfois exploser ses humeurs.
Informaticien et sportif
Le casier judiciaire du mis en cause signale seulement une contravention en 2020, pour dégradation d’un bien d’autrui. Du côté de son parcours scolaire, l’accusé a obtenu un BTS en informatique, puis une licence, avec un stage aux États-Unis.
Il opte ensuite pour la restauration puis l’animation en périscolaire, et envisage de devenir coach sportif, mais ne tiendra pas dans le moule du CREPS. « Je savais que cette formation se passait mal », a-t-il déclaré. Son dernier projet avant les faits, c’était de devenir pompier volontaire.
Altération du discernement reconnue
L’agresseur encourait une peine de 7 ans de prison, mais la justice a reconnu l’altération de son discernement au moment des faits. Elle l’a condamné à 4 ans de prison, dont 6 mois avec sursis probatoire pendant 3 ans, obligation de soins, interdiction d’entrer en contact avec la victime et de paraître à son domicile, ainsi que sur le lieu où l’octogénaire fait habituellement ses courses. L’accusé est maintenu en détention.