Haute-Savoie : le cri d’alarme des acteurs de la construction

Trop peu de logements sortent de terre selon l’ACSL.
Trop peu de logements sortent de terre selon l’ACSL. - Photo d’illustration Pixabay

«   Aujourd’hui, la filière construction est dans une impasse », assure Olivier Aubert, président de l’association Construction Savoie Léman (ACSL) et de la Fédération BTP 74. Ces organismes, qui réunissent les acteurs du logement et de la construction, ont dénoncé jeudi 11 mai 2023 une « situation bloquée » et appellent à « la mise en place en Haute-Savoie d’une véritable politique du logement » et à une « prise de conscience » des élus. Selon l’ACSL, il manque 400 000 logements en Haute-Savoie et la situation risque de s’aggraver ces prochaines années.

En plus d’un fort impact sur les 20 000 emplois de construction dans le département, Olivier Aubert glisse que ces problématiques propres au secteur ont des conséquences importantes sur le reste de l’économie et de la société : sans logements, on trouve moins facilement de personnel pour les crèches, les Ehpad, les écoles, et toutes les entreprises. « Cela entraîne une perte d’attractivité du département », ajoute-t-il.

Des facteurs multiples

La Haute-Savoie gagnait 10000 habitants par an avant le Covid et en gagne environ 8000 chaque année depuis la pandémie. La demande en logements ne cesse donc d’augmenter, mais la livraison de logements sociaux « sera divisée par 2 à échéance 2025 » et « sur 12 mois, le nombre de permis de construire en Haute-Savoie a diminué de 30 % », rappelle l’ACSL. En outre, « le coût du foncier a explosé [avec] une hausse de +100 % en 10 ans », « les coûts de la construction ont également explosé en 2 ans[...] en moyenne de 16 % », ce qui entraîne une explosion du prix de vente et une plus grande difficulté pour se loger. « Donc le constat est le suivant : on ne construit pas assez et beaucoup trop cher », explique Jean-Luc D’Aura, vice-président de la Fédération des promoteurs immobiliers des Alpes.

L’ACSL souhaite « mettre en avant les conséquences pour les administrés » : elle relève une baisse des crédits immobiliers accordés aux particuliers de 28,1 % sur 12 mois, et même de 44,7 % sur trois mois. « Cela va créer un impact dramatique sur la société », s’inquiète Nicolas Gauteur, membre du bureau de l’Union sociale pour l’habitat de Haute-Savoie.

Le président de l’ACSL insiste : « Le logement est un domino qui entraîne avec lui tout un pan de l’économie, ainsi que l’augmentation de la distance domicile-travail et les engorgements. »

Huit propositions

La SLC propose 6 mesures au niveau local pour alléger la situation :

- libérer du foncier

- densifier les constructions, dans un contexte de lutte contre l’artificialisation des espaces

- prendre le temps d’intégrer les nouvelles réglementations

- réinstaurer un dialogue constructif entre élus, constructeurs et professionnels de l’immobilier

- communiquer davantage avec la population et les élus locaux pour favoriser l’acceptabilité de la construction

- simplifier les réglementations et les procédures d’urbanisme

Elle propose aussi 2 mesures nationales :

- faire une pause normative et réglementaire

- instaurer un bouclier logement pour faciliter les emprunts

3 questions à Ségolène Guichard, adjointe à l’urbanisme d’Epagny et vice-présidente du Grand Annecy en charge de l’économie

L’ACSL évoque une situation « dramatique ». Quel est le constat à Epagny ?

Les prix montent. Avec la montée des prix, on a beaucoup moins de primo-accédants, les plus petits revenus ont plus de mal à trouver un logement. On essaie de faire en sorte que toute la population puisse être servie, quels que soient la situation familiale ou les revenus. Les opérations de BRS (bail réel solidaire) permettent de compléter l’offre de logements, on a aussi une offre locative avec les logements aidés ou les logements sociaux. On a aussi plus d’emplois que d’habitants, cela permet de créer des logements en proximité des lieux de travail. Par exemple, on a une nouvelle opération près du cimetière dont une partie est réservée au personnel de l’hôpital.

Ces difficultés de logements entraîne-t-elle déjà des difficultés de recrutement ?

On est très attentifs à cela. En Haute-Savoie, le taux de chômage est proche du plein emploi : c’est plus difficile de recruter quand il y a peu de candidats. Ça s’est accentué après le Covid, certains métiers ont plus souffert que d’autres. Par exemple, il y a une fuite du personnel soignant vers la Suisse.

Les propositions de l’ACSL constituent-elles une bonne réponse ?

Oui pour la plupart, ces pistes sont celles sur lesquelles on travaille sur la commune et le Grand Annecy. Mais pour libérer du foncier, c’est plus facile à dire qu’à faire ! Avec la loi zéro artificialisation nette et le nouveau plan local d’urbanisme intercommunal, on va diviser par 2 le foncier disponible à échéance 2040. On va plutôt dans le sens de la densification des fonciers déjà existants, les extensions hors urbaines vont être plus rares. Mais une ville dense doit être vivable et agréable à vivre, c’est un exercice qui doit se conjuguer à la qualité de vie. Sur le dialogue pour mieux faire accepter les projets, bien sûr, ne serait-ce que pour limiter les recours. On a par exemple des habitants qui veulent loger leurs enfants et les faire travailler, mais ne veulent ni logements sociaux ni entreprises près de chez eux. C’est incompatible.