« D’après les prévisions climatiques, notre territoire devrait connaître plus d’inondations pendant l’hiver et des épisodes de sécheresses plus longs et plus intenses », explique Charlène Descollonges. Cette hydrologue, « médecin généraliste de l’eau », évoque ici le bassin versant du Fier et du lac d’Annecy. Les sécheresses y sont déjà relativement fréquentes, malgré un niveau de précipitations (pluie et neige) supérieur à la moyenne nationale.
« On a l’avantage du stock sous forme de neige : du côté de la Clusaz et du Grand-Bornand, on monte à des cumuls annuels à 1600 1700 mm de précipitations par an, contre 800 à 900 pour la moyenne nationale. Toute cette eau est stockée sous forme de neige qui fond au printemps et alimente les rivières. » Or, si le réchauffement climatique va faire évoluer les précipitations : « On va avoir plus de pluie, moins de neige, donc un changement du régime hydrologique [fonctionnement, NDLR] des cours d’eau. »
Anticiper l’été 2023
Depuis l’été 2022, le territoire a accumulé un déficit de précipitations. Les fortes pluies de mars ont permis de rattraper un peu ce déficit. Toutefois, l’hydrologue alerte sur le niveau des nappes phréatiques. « La Savoie connaît à peu près la même dynamique que la Haute-Savoie. Sur la nappe de l’Isère par exemple, on est un peu en dessous du niveau de la normale. En 2022 et 2018, on avait des niveaux plus hauts que la normale. Pourtant on a eu des sécheresses très intenses. Si en 2023 on est face à une sécheresse comparable à celles de 2022 et 2018, on va être dans une situation très compliquée. »
Alors pour souffrir le moins possible d’une éventuelle nouvelle sécheresse, il faut réfléchir dès à présent : « Anticiper, ça veut dire se concerter, partager les informations qu’on a sur le territoire. C’est aussi essentiel de faires des économies à tous les niveaux. Chacun chez soi bien sûr, mais aussi les élus, qui ont la main sur la gestion des réseaux, qui sont vétustes. En France, on perd chaque année un milliard de m3 d’eau. Sur le Grand Annecy, on a 82% environ de rendement, c’est correct, mais on peut atteindre 90%. »
Repenser l’agriculture
Économiser l’eau courante risque de ne pas suffir, pour l’hydrologue : « Le circuit de l’eau est plus complexe que ce que l’on pense. On a aussi la partie invisible de l’eau qui est bien plus importante : l’eau utilisée pour notre agriculture. Quand on a un régime carné, on consomme en moyenne entre 4000 et 5000 litres d’eau par jour. Si on a un régime alimentaire plus végétal, mais aussi plus local, plus bio, on fait des économies. »
La solution la plus courante aujourd’hui est de stocker l’eau pour l’irrigation des cultures. Mais pour Charlène Descollonges, utiliser la végétation reste plus durable : « Les arbres sont de merveilleux alliés, ils sont capables de recréer un petit cycle de l’eau. En gros, les arbres et les forêts sont comme des pièges à pluie, ils permettent de garder l’eau sur le bassin versant en abondance. »
Cela permet d’éviter que les précipitations partent trop vite dans les rivières et à la mer. « Il faut ralentir, répartir, infiltrer et stocker l’eau progressivement dans les sols, avant de la stocker dans des réservoirs artificiels qui sont soumis à l’évaporation. » Donc reconsituer des mares, des haies et des bosquets.
Le secteur du Chéran fait l’objet d’un arrêté vigilance sécheresse par la préfecture de Haute-Savoie. Selon Charlène Descollonges, « le Chéran est très vulnérable aux sécheresses. Il prend sa source dans les Bauges, un massif calcaire qui ne retient pas beaucoup l’eau dans les sols. Plus on a un sol épais et riche en matière organique, plus on a de stocks d’eau dans ces sols. Dans ce massif, la pluie s’infiltre directement dans le calcaire, elle part et elle file. Dès qu’il y a une pluie, on le voit tout de suite, mais dès qu’il y a une sécheresse on le voit tout de suite aussi. Ça reste une conséquence du changement climatique, les sécheresses hivernales de ce type sont assez remarquables. »
Pour économiser de l’eau dans son foyer, plusieurs gestes sont possibles.
« Si on a un potager, on peut récupérer les eaux de pluie pour l’arroser, conseille Charlène Descollonges. On peut aussi pailler le sol pour conserver l’humidité et s’intéresser à la permaculture », qui consiste en une approche plus naturelle des cultures.
L’utilisation d’un kit hydroéconome, comme ceux distribués par le Grand Annecy, permet également de faire des économies.