Devant les passages piétons ou les écoles, leurs visages souriants sont de plus en plus nombreux en France et ailleurs. Arthur, Zoé, Alix ou Zak ont été conçus en France, par l’entreprise Serac, située à Grésy-sur-Aix. Fabriqués à partir de résine polyester et de fibre de verre, les personnages ne pèsent que 11kg et coûtent 1500 € chacun. Leur aspect très particulier vient de leur fabrication : deux moules doivent être réunis pour créer une forme. « C’est une question de facilité de fabrication, explique celui qui les a imaginés autour de 2000. L’important, c’est l’aspect qu’il a vu de côté, car c’est la vue des automobilistes. »
Jean-Rémy Bouvier a fondé Serac à la fin des années 80. L’entreprise fabrique toutes sortes de matériaux composites, c’est à dire à base de résine et de fibre, pour des clients qui « ont plus ou moins périclité jusqu’aux années 2000, raconte le gérant. Est venue l’idée de ces personnages, on les vendait à droite à gauche. » Le projet est simple : ces petits personnages à l’allure d’écoliers sur le point de traverser doivent permettre de sécuriser les abords des écoles et les passages piétons pour les enfants. Aucun événement personnel n’est à l’origine de cette idée, précise Jean-Rémy Bouvier : « Des idées, j’en ai dix par jour... »
De 50 à 500 ventes par an
Pendant des années, les ventes restent anecdotiques. Jusqu’à ce qu’en 2014, l’entreprise décide de lancer « à fond » la commercialisation : « C’est là que c’est parti fort », se souvient le fondateur, avec environ 50 ventes par an en 2014 pour environ 500 aujourd’hui. « Les personnages nous ont fait connaître, mais on a aussi d’autres produits, comme de grands crayons avec des panneaux «école». Environ 80 % de la population française connaît nos personnages », alors de nombreuses ventes se font par bouche à oreille.
Pour vérifier l’impact de ses personnages, l’entreprise a fait mener une étude par l’institut de sondage et d’opinions consommateurs Quantitude. Les résultats montrent que pour les automobilistes, ces figurines sont une incitation à la vigilance. « Ils nous ont dit qu’ils n’avaient jamais vu ça, raconte Jean-Rémy Bouvier. Évidemment, quand on vient de les installer, les automobilistes ne sont pas habitués et ralentissent. Mais même par la suite, on s’aperçoit que les voitures roulent moins vite. »
En dehors des figurines d’écoliers, Serac produit toutes sortes de pièces composites en tant que sous-traitant. « Dans la région, on nous connaît pour les réparations de pièces de bateaux », assure Jean-Rémy Bouvier. Et pour cause : à l’origine, l’entreprise est née en fabriquant des catamarans de compétition. « J’ai été deux fois champion de France », glisse d’ailleurs le gérant.
Ce marché s’épuisant progressivement, la production s’oriente vers l’élaboration de pièces d’automobiles ou de motos. « Pour les championnats du monde d’endurance moto, de 1991 à 1994, toutes les pièces composites des Kawasaki et des Yamaha étaient de chez nous. On a aussi fait des pots d’échappement de motos pendant dix ans », ainsi que des carrosseries de voiture de course ou des pièces pour des Renault sport.
Depuis, l’entreprise continue sa production en sous-traitance. « La particularité, c’est qu’on fait des pièces qui sortent de l’ordinaire », explique le fondateur. Actuellement, une bonne partie de la production concerne la téléphonie : « Les opérateurs sont obligés de cacher leurs antennes, pour l’intégration paysagère. La seule matière qui laisse passer les ondes téléphoniques, c’est la fibre de verre », décrit Jean-Rémy. Alors parmi les personnages qui peuplent l’entrepôt, on trouve aussi de grandes plaques courbées qui serviront à camoufler ces antennes.
Après plus de trente ans de gestion d’entreprise, le fondateur âgé de 65 ans commence à envisager la retraite. « Aujourd’hui, sans chercher directement, on a trois dossiers de rachat de l’entreprise, qu’on n’a pas traités pour l’instant », avance-t-il. Toutefois, il précise que les employés vont probablement reprendre la partie concernant la sous-traitance pure, et que le rachat concernera surtout la partie commercialisation des personnages.
Dans l’atelier de Grésy-sur-Aix, quatre personnes s’occupent de la fabrication de pièces composites. Jean-Rémy Bouvier aurait souhaité embaucher davantage, mais a fini par se « résigner » : « C’est un métier manuel, peu apprécié à l’heure actuelle. On travaille avec une école du Bourget-du-Lac, qui forme des CAP et des responsables de projet dans le domaine du composite. On prend des stagiaires régulièrement. Souvent, on prend des gens qui ne connaissent pas le métier et on les forme. »