« On ne peut pas passer le bac en n’ayant pas eu de prof de français pendant 6 mois » : Jean-Michel Labaille, professeur de mathématiques et membre du conseil d’administration du lycée Lachenal, est catégorique. Dans cet établissement d’Annecy, il manque un professeur de français et un professeur de sciences de l’ingénieur depuis janvier. Plus grave, il n’y a plus d’assistante sociale depuis décembre et il manque une infirmière depuis septembre, ainsi qu’un psychologue de l’Éducation Nationale.
« Pour 2 classes de 1e, c’est la 10e semaine sans professeur de français, sachant qu’ils ont le bac en juin », explique Maryline Bollecker, présidente de la FCPE Lachenal, une association de parents d’élèves. « Pour l’oral, ces élèves de 1e bénéficieront d’un mot du proviseur incitant à la bienveillance, assure Jean-Michel Labaille. Mais pour l’écrit, tout sera anonymisé. Sans compter les élèves de 2de, ces cours manqués ne sont pas rattrapables pour tous les élèves. Les élèves moins favorisés, avec moins de possibilité d’aide à l’extérieur, vont davantage souffrir de cette situation. Cela crée une inégalité des chances. »
Des élèves « en détresse »
Les élèves vivent mal cette situation : « Mes élèves de 2de s’affolent, décrit le professeur, ils se demandent comment ils vont faire en première s’ils n’ont pas le niveau car leur professeur va considérer qu’ils ont eu les cours. » Or, dans cette situation tendue, l’établissement manque également d’une infirmière et d’un psychologue.
« Post Covid, des jeunes vont vraiment très mal, rappelle M. Labaille. Sans psychologue ni infirmière, les CPE voient débouler des élèves en détresse totale, voire qui ont des idées très noires. Mais ils ne sont pas formés à ça, tout ce qu’ils peuvent faire c’est appeler le 15. »
« C’est global pour tous les établissements »
Pourtant, les remplacements des enseignants auraient pu être anticipés : la professeure de français concernée a annoncé en septembre le début de son congé maternité pour janvier. Quant au professeur de sciences de l’ingénieur, il est simplement parti à la retraite. « On se sent livrés à nous-mêmes », regrette Jean-Michel Labaille. Rendre cette situation publique n’a pas été évident tout de suite par crainte de voir les parents des futurs élèves chercher un autre établissement, confie-t-il. Mais « c’est pareil partout », selon lui.
Une affirmation que confirme Frédéric Bablon, directeur académique de la Haute-Savoie : « On est bien au courant de la situation, c’est dur de recruter. C’est global pour tous les établissements. » D’après ce représentant de la rectrice de Grenoble, cette question nationale est particulièrement problématique dans le département : « C’est spécifique en Haute-Savoie, la RH est une des grandes problématiques du département, entre la vie chère, la Suisse toute proche et la difficulté à se loger... »
Selon Maryline Bollecker, présidente de la FCPE Lachenal, le lycée manque également de nombreux personnels d’entretien et de restauration. « Le lycée Lachenal est mal desservi par les transports en commun et excentré, donc moins attractif, explique Maryline Bollecker. Il manque quand même 10 équivalents temps plein sur 30 ! Il y a 15 jours, le chef du restaurant scolaire a été absent une semaine. Il n’y avait plus de cantine, le lycée a dû faire appel à un prestataire en urgence. La Région paie, mais ça désorganise la vie du lycée. Les élèves ne sont pas dans des conditions idéales. »