Il est là ! Oui, il est là, accroché à un panneau, le mythique exercice de style blanc sur fond blanc qui tend à décrédibiliser l’art plutôt qu’à le valoriser. Un peu éberlué, on ne peut s’empêcher de jeter un regard ironique à Marie Bondy, chargée d’assistance artistique, qui assure la visite de l’exposition actuelle. La jeune demoiselle, à qui l’on a glissé quelques secondes auparavant que l’on n’était pas fan des longues explications cède à notre incrédulité et explique la démarche respectée par Robert Barry dans la réalisation de ce tableau « néantique » : « Cette œuvre est très conceptuelle, elle dénonce la société de consommation et parle de la science quand elle est invisible par l’œil humain. Elle a été créée en 1969 à Hollywood, l’auteur a lâché au-dessus de son support des gaz chers comme l’hélium, l’argon, le néon ou le krypton. Et dans ce temple de la consommation, il a démontré qu’à la fin, il n’y avait rien ».
Mais où est l’Everest ?
Rien, sinon une trace intellectuelle à côté de laquelle on serait totalement passé s’il n’y avait pas eu une explication de texte. Et tout le talent de Marie dans cette déambulation abracadabrante, c’est de donner du sens à ce qui ne semble pas en avoir, du sens et une réflexion qui nous permet d’appréhender avec un autre œil la suite de la visite. Dans Cielo Celeste d’Ettore Spalletti, on affronte de nouveau un monochrome, bleu cette fois. Mais, en y plongeant le regard, on devine la technique du peintre et sa recherche d’ambiances apaisantes. Everest, la sculpture d’Evariste Richer est en apparence une simple bobine de fil de cuivre. Marie nous teste, alors, pourquoi s’appelle-t-elle Everest ? Après quelques secondes de réflexion, on ose une proposition : n’y aurait-il pas 8848 mètres de fils enroulés ? C’est cela.
« Il a fallu se battre »
C’est ça cette exposition Science’Fiction proposée par Laurent Montaron. Une mise en scène savamment pensée qui nous extrait de notre zone de confort et interroge sur une pratique artistique où le beau, s’il n’est pas visible, peut se deviner. Ou pas. À chacun de choisir. Mais dans un monde où tous nos choix sont téléguidés, cette proposition fait énormément de bien et crédibilise mille fois l’audace de la mairie d’Ugine quand elle a imaginé et concrétisé Curiox. Avant, ce bâtiment beau et surprenant dans la forme comme dans le détail était une église. Elle a été désacralisée comme on y désacralise l’art. « Il a fallu se battre pour le réaliser en conviennent Sophie Bibal, chargée de projet culturel et Curiox ainsi que Agnes Chevallier Gachet, adjoint à la culture. C’est cher, à quoi ça sert nous a-t-on dit. À tout, à rien, en tout cas à questionner, à créer un lien social intergénérationnel. À faire venir des gens qui pensent que l’art n’est pas pour eux ».
Tout le bleu du ciel…
Beaucoup d’élèves de la commune au début, de tout le territoire désormais viennent découvrir les expositions et une scénographie différente à chaque fois, « car nous voulons éviter de figer les choses au profit d’un processus en mouvement. Le lieu se prête à des mises en perspectives très variées, c’est un sacré défi pour les artistes que de se l’approprier ». Curiox n’est pas un musée, en tout cas pas encore. Il n’y a pas d’exposition permanente sauf qu’après chaque résidence, l’artiste invité laisse une œuvre Celle de Laurent Montaron, on boit le café dessus en prenant des notes et en devisant. Elle s’appelle « L’ombre d’un ciel sans nuage » : « Il l’a conçue, dessinée et faite construire par un artisan local avec du bois du territoire et des techniques savoyardes ».
Une jolie table pour se rencontrer. Soit. Mais quoi d’autre ? Un ciel bleu peint dessous. Que l’on ne voit pas mais qui crayonne d’azur le sol quand le soleil donne. C’est curieux. c’est Curiox.
Pour féconder ses expositions, le centre d’art et de rencontres d’Ugine picore dans les collections du musée des Arts Modestes de Sète, l’Institut des Arts Contemporains de Villeurbanne, l’École Supérieure d’Art de l’Agglomération d’Annecy, la Facim et auprès de partenaires locaux.
La prochaine exposition débutera le 29 avril avec l’architecture pour thème.
Contact : Centre d’Art et de Rencontres Curiox ; 54 rue des Vignes à Ugine ; centredart@ugine.com ; tél : 0479373300.
Ouverture en accès libre le mercredi de 14h à 18h, le samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h.