Ain : l’incroyable épopée de l’agriculture aindinoise racontée dans un livre

Jean Merle est président de l’association  Mémoire de nos campagnes , à qui l’on doit ce nouvel ouvrage.
Jean Merle est président de l’association Mémoire de nos campagnes , à qui l’on doit ce nouvel ouvrage.

L

e premier livre publié en 2018 vient d’être réédité, il traitait de la rivalité qui existait dans l’Ain entre les organisations du Sud-est et celles de l’Ain. Quel est le thème principal de ce nouvel ouvrage ?

«Un duel entre ciel et terre» couvrait la période allant de 1884, avec la création des syndicats agricoles, à 1945, avec la Libération. Il évoquait, à travers l’histoire de l’agriculture de l’Ain, cette dualité politique et religieuse que nous sommes nombreux à avoir connue.

Dans ce nouveau livre «Les semailles du progrès», nous voulons raconter la période 1945-2000 et nous attacher à montrer comment, en cette fin de XXe siècle, les agriculteurs de l’Ain se sont inscrits dans le formidable progrès technique et économique que Michel Debatisse qualifiera dans un livre de « révolution silencieuse ».

Quelles étaient les conditions de travail avant cette révolution silencieuse ?

Les jeunes générations d’aujourd’hui ne se représentent pas les conditions de vie et de travail imposées aux agriculteurs au sortir de la guerre.

Le travail était pour l’essentiel manuel, les tracteurs rares, les céréales produisaient 15 à 20 quintaux à l’hectare, une vache donnait 1 500 litres de lait par an…

Les femmes étaient à la peine, il fallait piocher à la main les betteraves, le maïs, la vigne et subir à la maison une pénible cohabitation avec souvent le jeune couple, les parents et les grands-parents sous le même toit.

Et donc, comment s’est traduite cette révolution silencieuse ?

Tout à coup, dans les années 50, la jeune génération de paysans, formée dans les mouvements de jeunesse, notamment la JAC (Jeunesse agricole catholique, Ndlr), a voulu s’émanciper et rompre avec les pratiques anciennes.

Elle a voulu s’approprier le développement de la mécanisation et semer des hybrides, participer à la révolution fourragère, accéder à des marchés lointains conquis grâce à l’action de nos coopératives.

Ce progrès, bien accompagné par les lois d’orientation agricoles de 1960 et 1962, voulues par le Général de Gaulle et son ministre Edgard Pisani, a permis à notre agriculture d’accéder à la modernisation et, à la France, d’atteindre une autosuffisance alimentaire qui lui faisait cruellement défaut.

Fruitières et abattoirs, les atouts de l’économie montagnarde

En quoi les fruitières ont-elles été un avantage pour notre secteur ?

A partir de 1945, dans la partie montagneuse du département, la quasi-totalité des agriculteurs élèvent quelques vaches laitières et portent leur lait à la fruitière. Chaque village dispose de sa fruitière. Mais rapidement, il est imposé un regroupement des structures.

Dans le Haut-Bugey et le Pays de Gex, les producteurs ont choisi de conserver la production traditionnelle des fromages AOC, Comté et Bleu de Gex, et des emplois dans les communes rurales.

Cette stratégie semblait à contretemps, alors que les stratèges économiques prônaient la concentration de l’agroalimentaire vers des grandes unités. Or, aujourd’hui, le temps donne raison à ces agriculteurs, les ateliers à Comté ou Bleu de Gex rémunérant aussi bien, voire mieux, les producteurs de lait que les grandes structures de la plaine.

Pour ce qui est des abattoirs, les acteurs locaux de notre territoire ont aussi été visionnaires ?

Effectivement, les agriculteurs et les élus du secteur se sont battus dans les années 1980 pour préserver un abattoir public à Bellegarde, ou pour conforter l’abattoir privé d’Hotonnes.

Les mêmes stratèges pensaient que cela était inutile et qu’il était préférable de conforter l’abattoir de Bourg-en-Bresse, sans tenir compte des emplois locaux générés par ces activités.

Des emplois plus vitaux pour les communes de montagne que pour l’agglomération burgienne !

Infos pratiques

Cet ouvrage évoque aussi la production laitière et fromagère dans l’Ain dont l’histoire du rachat par les fromageries coopératives de l’Ain de leur affineur Reybier. Cette entreprise avait été créée par Joanny Reybier en 1910 à Giron.

Edité par Cleyriane, ce livre de 372 pages a été réalisé sous la direction de Serge Berra. Il est en souscription jusqu’au 15 mars auprès de la Maison de l’Agriculture à Bourg-en-Bresse.