Sur Tiktok, le succès d’un médicament minceur inquiète les médecins

Prescris contre le diabète, l’Ozempic fait fureur chez les personnes en recherche de perte de poids.
Prescris contre le diabète, l’Ozempic fait fureur chez les personnes en recherche de perte de poids. - Photo d’illustration Pixabay

Le mot-clé dépasse les 500 millions de vues sur le réseau social Tiktok. Le succès de l’Ozempic, vanté pour ses propriétés amaigrissantes, inquiète sérieusement les médecins. Pourquoi ? Parce que ce médicament n’est pas recommandé dans le cadre d’un régime amincissant. Ce produit injectable est indiqué dans « le traitement du diabète de type 2 insuffisamment contrôlé » chez les adultes, précise le laboratoire Novo Nordisk, qui le commercialise en France depuis 2019.

Le sémaglutide, son principe actif, agit en se fixant sur les récepteurs d’une hormone qui a un rôle dans le contrôle de la glycémie et stimule la libération d’insuline lorsque le taux de glucose dans le sang est élevé. Il ralentit aussi la vidange de l’estomac, diminuant de fait l’appétit et engendrant des pertes de poids importantes, de l’ordre de 10 % en un an. C’est cette propriété qui a permis au laboratoire de le commercialiser dans de nombreux pays, dont les États-Unis, à une dose plus forte et sous un autre nom, Wegovy, pour le traitement de l’obésité.

Des ordonnances falsifiées

Pour le moment, en France, l’autorisation du Wegovy est limitée aux personnes en situation de forte obésité avec une maladie associée. En attendant une décision des autorités sur son prix et son remboursement, Wegovy est délivré au compte-gouttes, «  contrairement à l’Ozempic qui est disponible avec une ordonnance normale », constate le Pr Jean-Luc Faillie, de l’université de Montpellier.

Les pharmacies voient donc affluer des ordonnances d’Ozempic pour des personnes non diabétiques ainsi que «  des ordonnances falsifiées, utilisées par plusieurs personnes ». L’Agence nationale du médicament (ANSM) a rappelé à l’ordre les médecins, leur demandant de respecter strictement l’indication de diabète pour la prescription. L’ANSM ne constate pas de «  pic particulier ou hausse brutale ces derniers mois de la consommation », mais l’Ozempic a connu des «  tensions d’approvisionnement » dues à l’augmentation de la demande mondiale. Cependant, le laboratoire Novo Nordisk admet que sa «  capacité d’approvisionnement actuelle ne répond pas toujours à cette demande excédentaire », ce qui peut entraîner des ruptures de stocks périodiques.

Jean-François Thébaut, de la Fédération des diabétiques, s’inquiète d’une éventuelle « ruée » des Français sur le Wegovy quand il sera sur le marché national. de son côté, la spécialiste de l’obésité Karine Clément, de l’Inserm, insiste sur la nécessité, quand Wegovy sera disponible, de «  bien cadrer sa prescription. Il ne s’agit pas d’un médicament magique. Comme toujours dans l’obésité, il doit être accompagné d’une prise en charge globale ».

Risques d’effets secondaires

Parmi les risques associés à la prise de ce médicament, on retrouve des nausées, des risques de pancréatites aiguës, même à doses faibles, des risques de troubles biliaires voire même des cas de constipation sévère qui peuvent conduire à l’obstruction intestinale. On constate également, après plusieurs années de traitement, un risque accru de cancer de la thyroïde. Selon le Pr Faillie, chargé de la pharmacovigilance de ce médicament, les effets secondaires de celui-ci sont « sous-notifiés » car « ni les patients ni les prescripteurs ne sont motivés pour [les] déclarer ».

De plus, il existe toujours des incertitudes sur les effets du sémaglutide à long terme, notamment chez les patients obèses. « Si on l’utilise pour perdre quelques kilos, là le bénéfice thérapeutique est nul, c’est juste de l’esthétique alors que les risques sont toujours présents », met en garde le Pr Faillie.