Crise énergétique dans l’industrie: «Certains vont mettre la clef sous la porte»

Selon Alain Appertet, les TPE sont les plus impactées par cette crise.
Selon Alain Appertet, les TPE sont les plus impactées par cette crise.

Alain Appertet est président du Syndicat national du décolletage (SNDEC). Il est aussi à la tête d’une entreprise de 9 salariés, Sunap.

Comment les industriels de la vallée font-ils face à la hausse du coût de l’énergie ?

Personnellement, dans mon entreprise, je m’en sors bien parce que j’ai renouvelé mon contrat avant l’envolée des prix au mois de mai, la hausse se limite donc à 30 %, ça ne remet pas tout en question. On a autant de cas que d’entreprises. On se rend compte qu’au niveau du guichet pour prétendre aux aides, il n’y a pas beaucoup d’enregistrements. Beaucoup d’entreprises trouvent d’autres solutions, comme changer de prestataire en fin d’année. Par contre, il y a des entreprises qui se vendent. Elles savent qu’en 2023, elles feront de la perte. J’ai un exemple en tête d’une TPE qui savait qu’elle ferait moins 20 % en 2023 et qui s’est vendue en 15 jours. Il y a ceux qui vendent et ceux qui arrêtent tout simplement. C’est dramatique, ce sont les petites entreprises qui sont les plus impactées. Certains vont mettre la clef sous la porte. Les TPE, qui font l’essence de ce territoire, ont moins de trésorerie et donc de capacité à rebondir. Je crains qu’on perde beaucoup d’entreprises dans les deux années qui viennent. Toutes ces petites TPE qui font la spécificité du territoire, sont le cœur du savoir-faire de cette vallée. Ce sont elles qui ont réellement le savoir-faire dans leurs mains, elles ont de l’or au bout des doigts. On est à un moment charnière.

Pourquoi ne font-elles pas plus appel aux dispositifs d’aide de l’État, selon vous ?

L’exemple du décolleteur que je vous ai donné, c’est une petite entreprise qui fait 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Elle payait à peu près 60 000 euros par an pour l’énergie avant la crise. Elle est passée à 350 000 euros cette année. J’en connais un autre qui est passé de 25 000 à 180 000 euros. Donc qu’il y ait un amortisseur ou pas, ça ne change rien. Si c’est pour faire 25 % de remise sur 600 % de hausse, ça n’intéresse personne. Ce qui me rassure, c’est qu’avec l’hiver qu’on est en train de vivre, il y a une détente sur le marché du gaz, et j’espère que les entreprises qui ont signé en décembre vont avoir la possibilité de renégocier leur contrat.

Quel est l’impact de cette crise sur la compétitivité des industriels de la vallée ?

On a des boîtes qui ont perdu des marchés à cause des négociations sur la hausse des prix de leurs pièces. Il faut bien qu’elles répercutent la hausse de l’énergie et du coût matière. Certaines perdent des marchés dans ces négociations, des marchés qui avant étaient affectés en Chine. C’était un mal européen qui est en train de devenir purement français. Les Espagnols, les Portugais ont coupé l’accord gaz électricité européen. Il y a donc des entreprises qui s’installent au Portugal. On est sur une crise des coûts, qui vont rester hauts pendant longtemps, donc ça incite les entreprises à investir dans des pays où le paramètre énergie est faible. On ne parle plus du prix de la masse salariale, maintenant, le plus important c’est l’énergie. Quand on a un rapport de 1 à 15, forcément ça devient important. On n’a jamais connu ça !

«Il va falloir qu’on crie fort, nous aussi»

Pour le président du SNDEC, le gouvernement doit prendre le problème à bras-le-corps. «  C’est nos gouvernants qui ont la solution, le problème c’est que c’est celui qui crie le plus fort qui est entendu. Il va falloir qu’on crie fort, nous aussi. Les boulangers ont été très bons, Et je nous compare à eux parce que, nous non plus ne sommes pas en tarif bleu. Au-dessus de 6 ou 7 machines, on ne peut pas rester au tarif bleu, on ne peut donc plus bénéficier du bouclier tarifaire plafonné à 15 % de hausse. Je suis bien relayé par les parlementaires du territoire, mais on a un pays tellement endetté que les marges de manœuvre de Bercy sont très limitées ».