Annecy : 70 ans après, comment Fusalp est revenu au sommet

Un «F» bleu, blanc, rouge. Ce logo bien connu des Annéciens a failli disparaître au milieu des années 1980, quand Fusalp dépose le bilan. Pourtant, l’emblématique marque de vêtements de ski a remonté la pente. Et bénéficie même d’un nouveau souffle depuis son rachat en 2014 par deux héritiers de la famille Lacoste, Sophie et Philippe Lacoste, associés à Alexandre Fauvet, ancien directeur exécutif de l’équipementier au crocodile.

Alors que Fusalp célèbre en 2022 ses 70 ans, ce dernier brandit fièrement les résultats de l’entreprise : « On a multiplié notre chiffre d’affaires par sept en huit ans. » Il dépasse désormais les 40 millions d’euros, avec une croissance moyenne de 35 % par an.

1. Une marque à la conquête du monde

Preuve de ce dynamisme, Fusalp recrute – 45 personnes ont rejoint la société en septembre dernier – et continue de se développer à l’international. La marque annécienne a lancé cet été une filiale aux États-Unis et vient d’ouvrir une boutique sur Madison Avenue à New York, qui sera suivie par une seconde dans la très huppée station d’Aspen cet hiver. « C’est notre nouvelle aventure. On y va avec ambition mais aussi une certaine forme de confiance parce que les Nord-Américains sont nos deuxièmes clients sur le web », indique Alexandre Fauvet.

La moitié de l’activité se fait désormais hors de France, contre moins de 10 % au moment de la reprise de Fusalp. L’équipementier annécien a notamment mis un pied en Chine et en Corée du Sud à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver. L’augmentation de capital de mai dernier doit lui donner les moyens de poursuivre cette expansion.

2. Miser sur le ski et le prêt-à-porter

C’est ici, à Annecy, que se dessine la réussite de Fusalp ; des «mood boards» (panneaux de tendances) servant à concevoir les futures tenues au laboratoire où sont testées les matières. Avec une ligne directrice : « Avoir un équilibre parfait entre le ski et le prêt-à-porter », souligne Alexandre Fauvet.

Pour illustrer son propos, le directeur général de Créations Fusalp s’empare d’un «Gezi», le « best-seller absolu » de Fusalp. « C’est à l’origine un tissu qu’on avait développé pour le ski et qu’on a détourné à la ville pour faire une parka urbaine. » En clair, utiliser un savoir-faire pour développer des produits techniques qui sont ensuite utilisés dans la vie de tous les jours. Ce qui correspond à l’esprit du Fusalp des années 1960-70, estime-t-il. « C’est une marque unique dans son identité et son positionnement, qui depuis le début marche sur ses deux jambes : le ski et la mode. »

Avec un positionnement aujourd’hui haut de gamme. Le prix moyen d’une veste se situe autour de 800 euros, selon lui – « pour une belle pièce à manches ». Des vêtements fabriqués à 60 % en Europe et 40 % Asie. « Le critère principal n’est pas le prix, mais la qualité des ateliers », assure Alexandre Fauvet.

3. Après l’hiver, l’été en ligne de mire

L’autre volet de la stratégie de Fusalp est, à l’image des stations de ski avec le tourisme quatre saisons, d’élargir ses collections à l’ensemble de l’année. D’abord aux intersaisons de l’automne et du printemps, puis à l’été. « On est encore très déséquilibré entre l’automne/hiver et le printemps/ été, c’est du 80/20 », calcule le directeur général, qui note néanmoins que l’entreprise « double [ses] chiffres d’affaires tous les étés ». L’enjeu est donc de rééquilibrer les saisons.

Pour cela Fusalp réfléchit à des vêtements au style urbain et détournables. « Par exemple, on a très régulièrement des demandes de golfeurs », confie-t-il, notamment en raison de l’élasticité des pantalons. L’idée est aussi de faire vivre les boutiques toute l’année. « On s’aperçoit qu’avec les changements climatiques et une clientèle touristique qui est de plus en plus importante en France, vous avez des demandes fortes sur des produits à forte thermie l’été mais aussi des produits légers l’hiver. »

Dès 2024, Fusalp n’aura d’ailleurs plus de collection saisonnière, mais une seule et même collection globale sur toute l’année. À travers cette mutation, c’est en quelque sorte « le fuseau d’hiver [qui] devient le legging d’été ». Un signe que cette « entreprise patrimoniale française », fondée en 1952, reste en phase avec son époque.

Fusalp en chiffres

200

salariés, dont 70 au siège d’Annecy.

400 000

pièces fabriquées sur une année, avec plus de 300 modèles pour la collection automne-hiver et plus de 100 pour celle de printemps-été.

40

millions d’euros de chiffre d’affaires entre juin 2021 et mai 2022, en hausse de 88 % sur un an.

8

filiales à l’étranger (États-Unis, Chine, Corée du Sud, Suisse, Royaume-Uni, Norvège, Belgique, Luxembourg).

52

boutiques, qui représentent 80 % du chiffre d’affaires.