Avec 11 évêques suspectés, l’Église est de nouveau dans la tourmente des abus sexuels

Le scandale des abus sexuels dans l’Eglise rebondit avec la mise en cause de 11 évêques.
Le scandale des abus sexuels dans l’Eglise rebondit avec la mise en cause de 11 évêques. - Photo d’illustration Pixabay

Après les prêtres, les évêques

Onze évêques sont mis en cause devant la justice civile ou de l’Église pour des signalements d’abus sexuels. L’annonce vient d’être faite par Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques qui se tient à Lourdes en ce moment, lors d’un point presse lundi 7 novembre 2022. « Il y a aujourd’hui six cas d’évêques qui ont été mis en cause devant la justice de notre pays ou devant la justice canonique. Deux autres, qui ne sont plus en fonction, font l’objet d’enquêtes aujourd’hui de la part de la justice de notre pays après des signalements faits par un évêque et d’une procédure canonique. Un troisième fait l’objet d’un signalement au procureur auquel aucune réponse n’a été donnée à ce jour et a reçu du Saint-Siège des mesures de restriction de son ministère. »

Encore et toujours le silence de l’Église

La lutte, la transparence, réclamées par les victimes d’abus sexuels de la part d’officiants ou d’autres membres de l’Église, notifiée et comptabilisée dans le rapport de la CIASE (commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), publié en octobre 2021, n’avait pas encore pu mettre au jour, tant de comportements d’évêques. Sous le sceau du silence du secret entretenu entre les évêques et la hiérarchie cléricale.

Ces révélations font en particulier suite aux aveux récents de deux anciens évêques. Mgr Santier, à la retraite depuis 2021, et qui avait été cette même année sanctionné par l’Église pour « abus spirituels ayant mené à du voyeurisme sur deux hommes majeurs » et alors qu’il était prêtre à Coutances (Manche) et directeur d’une école de formation à la prière pour jeunes. Une sanction passée sous silence et des aveux qui n’interviennent qu’un an plus tard.

Mgr Jean-Pierre Ricard, ancien évêque de Bordeaux (ancien président de la Conférence des évêques de 2001 à 2007), qui a reconnu une attitude répréhensible, il y a 35 ans, sur une mineure de 14 ans. « Cette démarche est difficile. Mais ce qui est premier c’est la souffrance vécue par les personnes victimes et la reconnaissance des actes commis, sans vouloir cacher ma responsabilité », a écrit Jean-Pierre Ricard. Qui affirme s’être « expliqué avec elle » et lui avoir « demandé pardon ». Et se « mettre à disposition de la justice, tant sur le plan de la société que celui de l’Église ».

Une lutte loin d’être aboutie pour les victimes

Olivier Savignac, président du collectif « Parler et revivre » à l’origine du rapport de la CIASE, répondant aux questions de France Info, n’a pas caché sa stupéfaction à l’annonce de ces révélations : « Le nombre d’évêques et surtout le silence autour de ces 11 affaires. Même nous, nous n’avons pas su quoi que ce soit par rapport à ça. Cela veut dire que c’était des secrets bien gardés entre les évêques ou dans la hiérarchie de l’Église. Là, on peut se poser énormément de questions. On sentait bien qu’il y a des affaires qui sortiraient et qu’elles concerneraient sans doute des évêques, mais on ne pensait pas à ce point-là et ce n’est pas terminé ».

Tout autant sa détermination non sans amertume face aux réticences, à la difficulté de voir l’Église enfin nettoyée des comportements déviants. « Sans mettre de pression nous n’y arrivons pas. Ce n’est pas normal. L’Église est l’institution de la morale, du salut, qui normalement doit protéger les plus petits. Mais en fait, elle devient démoniaque. Sans pression, sans affaires, qui peuvent faire basculer une tête ou une autre, il n’y a pas d’avancée. »