Interdiction des chauffages extérieurs : sur le marché de Douvaine, les commerçants s’inquiètent

Erkan Ozturk sait que sans chauffage, sa marchandise ne tiendra pas.
Erkan Ozturk sait que sans chauffage, sa marchandise ne tiendra pas.

C’est un décret qui n’est pas passé inaperçu. Datant du 30 mars 2022, il porte sur l’interdiction de l’utilisation, sur le domaine public, en extérieur de systèmes de chauffage ou de climatisation. Mais ce décret, qui trouve son origine dans le rapport de la convention citoyenne pour le climat, pose question. Car si l’intention est louable s’agissant de terrasses de cafés et de restaurants, elle est beaucoup plus discutable quand il s’agit de commerces itinérants, surtout en Haute-Savoie.

Dans le premier cas, il est question de confort pour le consommateur ; dans le second, il s’agit de survie pour le commerçant, principalement les primeurs. Comme Erkan Ozturk. « En plein hiver, si je n’ai pas un peu de chauffage, mes légumes ne tiennent pas. Et encore moins mes fruits exotiques. Les bananes, les ananas, ça ne supporte pas le froid. On utilise peu de fuel, juste ce qu’il faut pour obtenir une température acceptable pour notre marchandise. Sans, ce n’est pas possible » déplore le jeune marchand, installé sur le marché de Douvaine.

L’amende pour les contrevenants a été fixée à 1 500 euros et 3 000 en cas de récidive.

Ministre et préfet alertés

Depuis la publication de ce décret, le syndicat des commerçants non sédentaires de la Haute-Savoie n’a pas ménagé sa peine. Et a frappé à toutes les portes. « Sylviane Noël, sénatrice de la Haute-Savoie, a porté nos inquiétudes auprès d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Mais elle a balayé d’un revers de main nos revendications », regrette Jean-Patrick Charpin, directeur juridique du syndicat. Et d’ajouter : « On a bien sûr aussi alerté le préfet. Ce que l’on veut, c’est une dérogation, avec une uniformisation sur tous les marchés de plein air du département, pour que tout le monde puisse travailler, mais on n’a pas de réponse à ce jour. Ce qui est bien dommage, c’est que le législateur a tout englobé dans ce décret et n’a pas pris en compte la spécificité de certaines de nos activités. »

Un heureux revirement de situation… mais pas pour tout le monde

Mais dans la matinée du lundi 7 novembre, un revirement de situation a, en partie, redonné le sourire à Jean-Patrick Charpin. En effet, Yves le Breton, préfet de la Haute-Savoie, a fait parvenir aux maires et parlementaires du département une circulaire stipulant que «  l’interdiction de chauffage extérieur […] ne vise pas l’énergie nécessaire à la production ou la conservation des denrées vendues. Un marchand peut ainsi utiliser une source de chaleur pour confectionner des plats ou un système chauffant ou refroidissant nécessaire à la préservation des aliments présents sur ses étals ». « On est satisfait même si c’est une demi-victoire dans le sens où on demandait une uniformité pour tous les commerçants », commente Jean-Patrick Charpin.

Sans chauffage d'appoint, Laurent Monso, fleuriste, est dans l'incapacité de travailler en cas de températures trop basses.
Sans chauffage d'appoint, Laurent Monso, fleuriste, est dans l'incapacité de travailler en cas de températures trop basses.

Il pense ainsi à ceux qui ne sont pas visés par cette dérogation mais dont le besoin en chauffage est crucial. Comme Laurent Monso, fleuriste : « Je reçois mes fleurs coupées le mercredi et j’ai ensuite 5 gros marchés. Si je ne peux pas mettre en place mes bâches et mon chauffage à gaz pour maintenir la température à au moins 1 degré, tout est fichu. Je peux tout jeter et rester à la maison. » Pour lui, l’affaire n’est malheureusement pas terminée.