Construit de 1907 à 1913, le château des Avenières est vendu en 1936 par sa propriétaire, Mary Shillito, à un notaire de Chambéry, Victor Guillermin. Six mois plus tard, il réalise une belle plus-value en dispersant le mobilier et les œuvres d’art rassemblés par Mary Wallace-Shillito, lors d’une vente aux enchères. Dans la foulée, il vend le château à une Société Civile Immobilière, qui le transforme en un centre d’accueil de la Croix-Rouge.
Des résistants célèbres y séjourneront
Durant la Seconde Guerre mondiale, l’édifice va abriter des enfants juifs et voir passer des résistants célèbres. Il y a, par exemple, Pierre Mendes-France (1907-1982), qui fut notamment président du Conseil (Premier ministre), de juin 1954 à février 1955. Durant la Seconde Guerre mondiale, en 1941, le jeune député de l’Eure a quitté discrètement Bordeaux, où s’était réfugié le gouvernement français au moment de la débâcle contre les Allemands, pour tenter d’aller poursuivre la guerre en Afrique du Nord. Accusé de désertion et recherché par le gouvernement de Pétain, Mendes-France entame alors une vie d’errance clandestine qui le conduit, parmi bien d’autres cachettes, à séjourner brièvement au château des Avenières, avant de rejoindre les Forces françaises libres, à Londres. L’année suivante, en mai 1942, c’est François de Menthon (1900-1984), grand résistant issu d’une illustre lignée savoyarde, qui va y séjourner clandestinement. Menacé par le régime de Vichy, ce responsable du réseau Combat a été jeté, en mai 1942, dans la fontaine de l’Hôtel de Ville d’Annecy, par des hommes du Service d’Ordre Légionnaire, avant d’être assigné à résidence et interdit d’enseigner. Basculant dans la clandestinité, François de Menthon se cachera quelques temps dans un château des Avenières vide d’occupants, avant de rejoindre le général de Gaulle, à Londres. En août 1942, la Croix Rouge installe aux Avenières une antenne du Secours suisse aux enfants victimes de la guerre. Le château accueille notamment des enfants malades issus de familles pauvres de la région de Marseille.
Un refuge pour nombre d’enfants juifs
Mais l’établissement, bénéficiant d’un double statut de neutralité, à la fois par la Suisse et par la Croix-Rouge, va aussi abriter durant une bonne partie de la guerre des enfants juifs en transit vers la frontière suisse toute proche. L’infirmerie de la maison d’enfants soigne également à l’occasion des maquisards blessés ou malades qui, selon un protocole bien établi, arrivent à l’aube, vers quatre heures du matin, et repartent rapidement.
Il existe plusieurs ouvrages concernant l’histoire de ce mystérieux château, situé sur les hauteurs de Cruseilles. Le plus complet est sans conteste « L’étrange histoire du château des Avenières », écrit par Christian Regat et édité par la Salévienne (230 pages richement illustrées, disponible sur le site Internet : la-salevienne.org). Plus modeste mais avec de belles photographies, il y a « Le château des Avenières, 1907-2007 : cent ans d’histoire » par Georges Humbert, édité aux éditions Unberger. Plus généraliste, « Le Salève de A à Z, dictionnaire d’une montagne modeste et géniale », écrit par Dominique Ernst et publié par les éditions Slatkine, évoque de nombreux épisodes liés à ce château.
Toujours propriété de la Société civile immobilière de la Maison de repos de Notre Dame du Salève après-guerre, le château des Avenières sera loué en 1949 à un établissement scolaire religieux.
Des célébrités sur les bancs de l’école
C’est à cette époque qu’il sera fréquenté par l’ennemi public numéro 1 de la police française dans les années 1970 ! Bon d’accord, à l’époque, Jacques Mesrine n’est qu’un garnement en culottes courtes, placé par ses parents au très chic Collège à la Montagne des Oratoriens de Juilly. C’est en 1949, que les responsables de cet établissement scolaire catholique prestigieux, fondé en 1638 près de Paris, décident de louer les Avenières, propriété de 60 hectares comprenant un château et cinq villas, pour y installer une nouvelle antenne de leur collège. L’établissement fonctionnera ainsi de 1949 à 1971 et accueillera quelque 4000 élèves. Certains d’entre eux deviendront célèbres, tels les comédiens Claude Brasseur et Philippe Noiret, mais aussi le réalisateur de clips Jean-Paul Goude, les chanteurs Jean-Jacques Debout et Michel Polnareff ou l’écrivain Daniel Pennac.