Célèbre pour ses collages aux messages forts, Ernest Pignon-Ernest est a avant tout un dessinateur et un artiste engagé. Deux facettes de son travail que l’exposition ‘‘La figure révélée’’ vient mettre en lumière, à la chapelle de la Visitation-espace d’art contemporain, à Thonon.
Le pionnier de l’art de la rue
Si aujourd’hui le street art, ou art de la rue, est devenu monnaie courante et fleurit un peu partout dans le monde, au siècle dernier, il était pour ainsi dire inexistant. L’artiste français Ernest Pignon-Ernest fait alors figure de pionnier dans cet univers, étant l’un des premiers à intervenir dans la rue grâce à son art. « D’une certaine manière, il a joué le rôle de lanceur d’alerte, il a lancé un possible, et ouvert la voie à un concept qui appartient maintenant à une génération », souligne le commissaire de l’exposition, Philippe Piguet.
Intervenant au cœur de la nuit, l’artiste vient placarder dans les rues des villes du monde entier ses dessins reproduits, surprenant les passants aux premières lueurs du matin.
Des œuvres engagées
À travers ses créations, Ernest Pignon-Ernest travaille sur des causes humanistes fortes. S’imprégnant de l’actualité, et allant à la rencontre des catastrophes à travers le monde, il utilise son art pour attirer l’attention du passant sur une cause. L’exposition thononaise nous entraîne dans ces différents voyages que ce nomade a effectué, tous ayant pour point commun la dénonciation d’un méfait, d’une réalité parfois difficile à regarder en face.
Dans la chapelle, différentes séries et projets sont présentés, l’un d’entre eux mettant en lumière la vie des sans-abri ayant pour seul refuge une cabine téléphonique. Près de l’entrée de l’espace d’exposition, c’est la question du Sida qui est abordée à travers des collages qui, sans un mot, parviennent à faire comprendre leur cause au spectateur. Sur un autre mur de la galerie, on découvre le collage de deux personnes sur un immeuble détruit, dénonçant ici l’expulsion d’un couple âgé, contraint de quitter sa demeure. « Il est en quelques sortes un messager du monde. Un nomade qui vient nous placer face à la réalité », ajoute le commissaire.
Un dessinateur hors pair
Enfin, l’exposition est également l’occasion de découvrir Ernest Pignon-Ernest comme dessinateur d’exception. Au-delà de ses collages et photographies, nous découvrons des dessins à l’image de celui représentant l’écrivain Passolini après son assassinat dans une Pietà, mais aussi des études pour ses futures créations. Une occasion de découvrir son travail avant la rue, et d’aller à la rencontre d’un artiste hors pair.
La particularité d’Ernest Pignon-Ernest réside également dans son amour pour la littérature. « Il a toujours été passionné par les lettres, les écrivains, la notion même d’échange. Cela fait de lui un artiste rare », souligne Philippe Piguet, commissaire de l’exposition. Dans un entretien, Ernest Pignon-Ernest déclarait à ce sujet : « je me saisis fréquemment de l’œuvre des poètes, de leur destin parce qu’ils incarnent souvent leur temps. » Une passion qu’il fait transparaître avec ses nombreuses représentations de Pier Paolo Passolini, un écrivain, poète et journaliste italien dont l’un des dessins le représentant est accroché à la chapelle de la Visitation. Ernest Pignon-Ernest explique sa passion pour cet écrivain par l’importance du lieu dans son travail, un point commun entre les deux artistes qui placent au cœur de leurs créations le lieu comme espace sacré.
Le commissaire de l’exposition, Philippe Piguet, a décidé de ne pas surcharger l’espace au profit d’une rencontre nouvelle avec le travail d’Ernest Pignon-Ernest. « Dans la chapelle, nous avons la chance d’avoir cette proximité avec les œuvres, mais aussi la possibilité d’une rencontre plus intime avec son travail », confie-t-il. Une proximité qui vient encore s’accentuer avec les nombreux événements organisés autour de l’exposition.
Une visite ludique en famille aura ainsi lieu le mercredi 2 novembre de 14 h à 16 h. Cette visite sera accessible à partir de 8 ans, les œuvres présentées ici n’étant pas adaptées aux plus petits, et permettra aux jeunes visiteurs de comprendre le travail de l’artiste. La visite sera suivie d’un goûter.
Le mardi 8 novembre, une visite guidée sera proposée à 17 h et sera suivie de la projection, à l’auditorium, du film Se torno (Si je reviens) qui nous entraîne sur les lieux de la vie de l’artiste.
Enfin, on note le 19 novembre une visite guidée réalisée en langage des signes à 16 h. La médiathèque de la ville proposera également une sélection d’ouvrages sur Ernest Pignon-Ernest ainsi que sur l’art urbain pour approfondir vos connaissances.
Depuis maintenant plusieurs années, la Ville de Thonon a mis en place un programme composé de différents événements et interventions ayant pour objectif de rendre l’art plus accessible à un large public. « C’est une consécration pour nous de recevoir une exposition de cet artiste dans notre ville. Il a une actualité très chargée, mais qu’il ait accepté d’exposer ici est un vrai bonheur », confie le maire de la ville, Christophe Arminjon.