Dans la plupart des procès pour homicide involontaire, les faits sont souvent évoqués en premier par le juge qui préside l’audience. Mardi 10 mai, au procès de l’Evianaise reconnue coupable d’avoir percuté mortellement Rudy Pinart et de ne pas lui avoir porté secours, c’est la personnalité de la mise en cause qui a d’abord été décortiquée.
La commerçante était habillée de sombre. Ses lunettes sur la tête retenaient mal ses cheveux clairs. Difficile d’apercevoir ses yeux à peine ouverts tant elle était recroquevillée sur elle-même. La démarche et la gestuelle lente, elle s’est exprimée sans vivacité à la barre, répondant poussivement aux mille questions de la juge. Sa vie privée a ainsi en partie été dévoilée. A 62 ans, elle tient la même librairie à Evian depuis 40 ans. Veuve, son fils unique est adulte mais elle doit s’occuper de sa mère ainsi que de son frère, devenu paraplégique suite à un accident de moto. Elle a porté les courses à leurs domiciles en voiture le jour du drame.
Diagnostiquée bipolaire à l’âge de 19 ans, elle prend un traitement pour réguler son humeur. A la lecture de son dossier médical, la dépendance à l’alcool apparaît rapidement. « La bipolarité induit souvent une addiction car le mal-être est tellement fort. J’en ai besoin pour me calmer », explique-t-elle. Habituée à la vie sociale des rues piétonnes du centre-ville, elle vit très mal l’isolement du confinement. Elle confie s’être sentie « dans un état de stress profond ». Une semaine avant l’homicide involontaire, son médecin lui prescrit du Valium, un anxiolytique utilisé pour atténuer son anxiété.
« Ni franche, ni empathique »
Difficile de décrire une personne en un seul mot, mais le terme ‘embrumé’ pourrait correspondre le mieux à sa façon d’être. Ses justifications auraient pu tenir la route aux yeux des proches si sa volonté de démontrer qu’elle ne se souvenait de rien n’était pas si prégnante lors des débats. Il fut difficile à croire, notamment pour Maître Noetinger leur avocat qui l’a qualifiée de femme « ni franche, ni empathique », que cette gérante de commerce, qui prend en charge certains aspects de la vie de deux de ses proches, n’ait absolument pas réalisé qu’elle avait renversé un être humain et qu’elle n’ait pas été plus intriguée par l’état accidenté de sa voiture.
Le procureur l’a décrite dans son réquisitoire comme une personne « qui n’a pas un comportement socialement habituel » compte tenu de « ses difficultés psychologique et psychiatrique ». Mais selon lui, cela n’aurait pas empêché la conductrice, au casier judiciaire vierge, de se dénoncer.