L’ambitieux plan climat présenté par la Commission européenne le 14 juillet prévoit notamment d’interdire les véhicules à moteur thermique neufs à partir de 2035. Ce serait la fin de la commercialisation des voitures neuves à essence, diesel et même les hybrides et hybrides rechargeables. Concrètement, seuls les véhicules électriques ou à hydrogène, émettant zéro gaz à effet de serre, pourront être vendus à partir de cette date.
Cela ne signifie pas pour autant la disparition des voitures thermiques ou hybrides sur les routes. Les millions de véhicules qui seront vendus en Europe d’ici à 2035 pourront toujours rouler. La Commission estime qu’une voiture tourne environ quinze ans avant de partir à la casse. L’interdiction devrait donc permettre d’atteindre un transport 100 % décarboné plutôt vers 2050, ce qui correspond à l’année fixée pour parvenir à la neutralité carbone de l’Europe.
Mais voilà, la voiture 100 % électrique n’a représenté que 5 % des ventes en 2020. Pour les constructeurs, qui ont pourtant fait évoluer leurs gammes pour inclure des véhicules électriques, l’interdiction pure et brute est jugée irréaliste.
D’autant que les automobilistes doivent déjà s’adapter aux ZFE (zones à faibles émissions) où seront interdits à la circulation tous les véhicules classés Crit’air 3 et plus dès 2025. Pour 40 millions d’automobilistes, ce sont « près de 26 millions de voitures du parc roulant actuel qui seront interdites à la circulation dans une cinquantaine d’agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants. La mesure impactera ainsi directement la mobilité de 27 millions d’habitants de plus de 1 850 communes ».
Quelles conséquences ?
Se pose la question des bornes de recharge dont il va falloir sérieusement accélérer la mise en place. L’Europe en comptait 250 000 fin 2020. La Commission veut « imposer aux États membres d’en installer des points à intervalles réguliers sur les grands axes ». Objectif annoncé ce mercredi 14 juillet : tous les 60 kilomètres pour la recharge électrique et tous les 150 kilomètres pour le ravitaillement en hydrogène.
Si le plan climat est réellement acté, les voitures actuellement en circulation ne vaudront plus grand-chose sur le marché de l’occasion, puisqu’elles seront interdites à la vente, mais également bannies des grandes villes, prévient Auto Moto. Au fil des années, la vignette Crit’Air sera durcie, alors que des députés proposent de prendre également en compte les émissions de CO2 des véhicules.
D’après Volkswagen, cités par l’Argus, le prix des voitures à essence devrait augmenter avec des malus gouvernementaux croissants, sans compter les amendes infligées aux constructeurs responsables de trop d’émissions de CO2. Thomas Morel, du cabinet McKinsey, voit pour sa part une explosion des voitures en leasing (LLD, notamment) qui permet de « lisser le prix », de limiter certains frais d’entretien et de se séparer d’un véhicule à tout moment sans avoir sa revente à charge.
L’association 40 millions d’automobilistes dénonce « des décisions hâtives et irresponsables ». « Avec une autonomie maximale autour de 250 km – qui décroît considérablement dès que l’on met le chauffage, la climatisation, qu’on allume les phares ou que l’on s’engage à la vitesse folle de 110 km/h sur l’autoroute ! – et beaucoup trop peu de bornes de recharge à disposition (le plus souvent hors service), il est inconcevable que la voiture électrique constitue le premier véhicule du foyer. En l’état actuel et tant qu’on n’aura pas amélioré à la fois l’autonomie disponible, le temps de recharge et le réseau de bornes, il ne peut qu’être réservé à une élite urbaine et aisée. L’usager moyen ne peut y trouver son compte », dénonce Pierre Chasseray, délégué général de l’association.
La proposition de la Commission sera discutée pendant plus d’un an par le Parlement européen et les États membres, ce qui pourrait conduire à adoucir les propositions les plus radicales.
Et les véhicules de secours ?
Est-ce que les véhicules militaires et de secours seront concernés ? La question s’est posée dernièrement sur les réseaux sociaux lors des inondations mortelles en Belgique et en Allemagne qui ont fait au moins 200 morts. Une photo de véhicules militaires immergés avançant dans une rue allemande a beaucoup tourné avec le commentaire « Cela va être comique d’envoyer des secours avec des véhicules électriques en 2035… ».
Du second degré, mais une bonne question. 20 Minutes l’a posée à la Commission européenne. Réponse : « Les véhicules conçus et construits ou adaptés pour être utilisés uniquement par les forces armées ne relèvent pas du règlement » en question. « Pour les véhicules conçus et construits ou adaptés pour être utilisés par les services de protection civile, les pompiers et les forces responsables du maintien de l’ordre public, la législation n’est pas obligatoire. »