Chambéry: pressé par les questions, Nordahl Lelandais vacille mais maintient sa thèse de l’accident

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«   J’aimerais retourner en arrière, bien sûr que j’ai tout gâché, j’en suis conscient. » Debout dans le box, les épaules légèrement voûtées, Nordahl Lelandais, contrit, répond longuement aux questions, plusieurs heures durant, ce vendredi 7 mai. C’est un nouveau temps fort dans ce procès hors norme  : après l’audition ces derniers jours de nombreux témoins, d’experts, le face-à-face bouleversant avec la famille Noyer, c’est au tour de l’accusé de s’expliquer sur les faits, et les circonstances précises de la mort du caporal Arthur Noyer.

Comment, par exemple, l’accusé a-t-il pu reprendre sa vie de tous les jours, les amis, la fête, sans que personne ne s’aperçoive de rien ? Et pourquoi l’accusé n’a-t-il prévenu personne que ce drame avait eu lieu, notamment les secours cette nuit-là, alors qu’il plaide un accident ? « J’ai pas eu le courage, c’était très compliqué d’arriver à dire : oui, j’ai tué un homme  ».

« Vous comprenez qu’on se pose la question de la vérité »

Le président s’agace. Sur les différentes versions fournies par l’accusé au cours de l’enquête, sur le scénario qu’il décrit du crime, à savoir la mort donnée par accident suite à une bagarre initiée par Arthur Noyer, ce qui ne semble pas coller à la personnalité de la victime. « Vous comprenez qu’on se pose la question de la vérité, où est-ce qu’on en est, est-ce la 1e, la 2e version, une autre version ? ». Réponse l’accusé : « J’essayais de venir à la vérité, je ne savais même pas comment faire ».

À plusieurs reprises au cours de la matinée, on lui demande d’expliquer pourquoi Arthur Noyer aurait souhaité aller ce soir-là, en stop, à Saint-Baldoph et non à Barby, où se trouve sa caserne ? À la fin de la soirée, « il s’est exprimé, l’a dit à 7 ou 8 personnes, il avait l’intention d’aller se coucher. Le lendemain matin il avait des responsabilités, il n’avait pas l’intention de passer une nuit blanche, c’était un militaire sérieux ». L’accusé maintient, « là où il voulait aller c’était à Saint-Baldoph ».

L’autre point longuement discuté, c’est que l’enquête semble montrer que Nordahl Lelandais a volontairement dissimulé le corps de la victime, au col du Marocaz, pour s’assurer qu’il ne soit pas retrouvé. Au cours de l’instruction, ainsi que lors de la reconstitution, il avait expliqué avoir seulement « déposé » le corps en contrebas de la route. L’avocate générale assène, au vu du lieu de découverte du blouson de la victime : « tout ça me laisse considérer que le corps, vous l’avez déposé à cet endroit, c’est le seul moyen d’expliquer qu’il y a passé un printemps entier, un été entier, et qu’il n’ait pas été vu. » Nordahl Lelandais reste catégorique : « si je l’avais tiré à l’écart, je l’aurais dit ».

En fin de séquence, pendant plusieurs dizaines de minutes, c’est son propre avocat qui prend le rôle du confesseur. « Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu as dit, je n’avançais pas dans ma vie, mais expliquer aux parents d’Arthur Noyer que tu as tué leur fils pour ça, c’est un peu léger ». « J’ai un peu du mal à l’expliquer, tente Nordahl Lelandais. Parce que je sais pas réellement pourquoi, il n’y a pas un événement particulier, à ce moment-là je me perds tout seul ».

Les journées de procès avancent, mais l’obscurité persiste sur les derniers instants de la vie d’Arthur Noyer. Et l’accusé ne semble plus disposé, à ce stade, à donner davantage d’explications. « S’il y a un moment, c’est maintenant, lui lance son avocat, à la fin d’une matinée éprouvante. « Si cette version n‘est pas la bonne, c’est le moment, c’est le moment. Est-ce que les choses se sont passées comme tu l’as dit ? ». Il reste inébranlable : « Ce que j’ai dit, c’est ce qui s’est passé. »