(PHOTOS) Bellegarde : Marrer et Beaurepaire, les voltigeurs du Groupe Mémoire

Tout directeur d’opération sait combien si des forces nombreuses et bien organisées sont essentielles à la réussite d’une mission ; mais aussi combien des commandos légers sont indispensables à la perfection de cette dernière.

Au groupe Mémoire de Bellegarde, Christian Marrer et Guy Beaurepaire ont apporté à la réalisation du livre la richesse et la finesse de leur expérience du terrain.

A l’image des éclaireurs-voltigeurs !

Christian Marrer, le réseau

Né en 1950 à Bellegarde « chez Madame Magnin, sage-femme légendaire » comme il aime à le rappeler, Christian Marrer aime sa ville comme aucun autre.

Il connaît du monde, beaucoup de monde : « Aussi, au hasard d’une discussion avec Eric Toiseux (cf. Tribune du 24 octobre), ai-je été invité à participer au groupe Mémoire. »

Là, sa curiosité naturelle en perpétuel mouvement, son intérêt pour l’histoire de sa ville ont fait merveille : «  J’ai apporté des contacts, des sources, des documents photographiques, fait jouer mes connaissances, Robert Molinatti, le père Agazzoni, mes liens familiaux et associatifs, etc. » Christian s’est même fendu de quelques textes.

« Ce qui m’a le plus frappé, dans cette expérience historique, c’est la rigueur de l’occupation allemande à Bellegarde, qui ne comptait pas moins de 7 Kommandanturs ! Même Oyonnax n’a pas eu pire : c’est simple, il n’y en avait pas ! »

Guy Beaurepaire, les bons tuyaux

Guy, c’est un profil approchant. Né en 1949, fils de maquisard, il est comme Jacques Chatenoud (cf. Tribune du 21 novembre) un collectionneur passionné de cartes postales et documents anciens… ainsi qu’un féru d’histoire locale et générale.

Invité également en 2018 par Eric Toiseux à participer aux travaux du livre, il est tout de suite séduit par l’esprit d’équipe qui règne au sein du groupe, et s’est consacré sans relâche « aux recherches photo, aux identifications de personnes, à l’apport de documents type bons matières, ausweiss ».

Il a travaillé sur différents acteurs de l’époque, comme Lucien Neyroud, résistant de Ballon, Honoré de Girolami, déporté de Gusen, sur les péripéties du Fort-l’Ecluse, les fusillés de Menthières et Confort en 1944…

La Libération reste la période qui l’a le plus marqué, avec les incertitudes qu’elle a comportées : « Des gens ont pris leurs responsabilités, avec tous les risques que cela comportait alors, ce ne devait pas être facile tous les jours ! Alors que d’autres… »

La composition du livre

L’ouvrage « La Décennie Sombre » (1939-1949) est divisé en sept parties :

– La Débâcle et l’effondrement de la France

– La Ligne de démarcation et l’Occupation

– L’affirmation de la Résistance

– La radicalisation des affrontements

– La Libération

– La Reconstruction

– L’Ennoiement (de la perte du Rhône avec la mise en eau du barrage de Génissiat)

Nous traiterons ce dernier aspect dans notre prochaine édition.

Les années Reconstruction

Christophe 
Vyt est professeur d’histoire à Saint-Exupéry.
Il évoque ici la 6
e
 partie de La Décennie Sombre.

La sixième partie de la « La décennie sombre » traite de la reconstruction, intimement liée aux dommages causés par la guerre.

Christophe Vyt nous en livre les grandes lignes.

« Bellegarde a été marquée par l’importance des travaux dans la région : il fallait refaire quasiment tous les ponts, rétablir en priorité les voies de communication, la circulation des gens et des biens. Des chantiers considérables ont été lancés, cela dans un contexte de pénurie aiguë, bien pire entre 1945 et 1948 qu’auparavant. Une période marquée, au plan de la vie collective, par énormément de cérémonies autour des morts de la Résistance, cérémonies beaucoup nombreuses qu’on ne l’imaginait : c’était nécessaire pour le deuil des familles, pour recimenter une société éclatée. Ce qui montre combien elle a été éprouvée. On assiste également, avec le PC et la CGT, à la renaissance des mouvements sociaux…  »

Le 11 novembre 1946, les familles dans la douleur

Beaucoup d’émotion, place Carnot, en ce jour où les décorations n’allument pas de sourires...

La société de la fin des années 40, qui s’apprête à rentrer dans la société d’abondance et des loisirs au gré de la croissance des Trente Glorieuses, est une société marquée par un deuil de masse.

La Grande Guerre a laissé un nombre effroyable de veuves (700 000) et d’orphelins de pères (1 100 000), auquel se rajoutent ensuite les parents – voire les petites amies – des maquisards et autres victimes de la Seconde Guerre mondiale. Jean Allais a pris ce cliché magnifique le 11 novembre 1946.

Au cours d’une cérémonie organisée devant le monument aux Morts et associant les deux victoires de 1918 et de 1945 sur l’Allemagne, le maire Georges Marin fit un discours, puis M. Jance remit une décoration de l’ordre de la Croix de Guerre à titre posthume à des familles de maquisards (Ecuyer, Roux, Ruffieux, Thomé, Vorlet, Tocco, Sage, Pillard et Zanarelli). Comment ne pas penser aux photographies de Doisneau ?

La lumière rasante des journées d’automne accentue les contrastes du cliché en noir et blanc et souligne la peine de ces femmes vêtues de noir et qui baissent les yeux. Particulièrement, une immense peine et une immense pudeur se lisent sur le visage de cette femme qui reçoit une récompense pour l’homme qu’elle pleure.

La peine se lit également sur le visage de la femme à sa droite, qui tient par la main un enfant blond. Celui-ci semble interloqué par la scène ; il est le seul à regarder vers le haut.

Extrait de La Décennie Sombre, page 198.