Né en 1937, Jacques Chatenoud est l’un des vétérans de l’équipe qui a planché sur l’ouvrage désormais tant attendu.
Electricien au CERN pendant 35 ans, Jacques a développé parallèlement une passion pour la collection des vieilles factures, des vieux documents, et surtout des cartes postales anciennes qu’il aime à échanger : « J’ai monté trois albums sur le Pays de Gex, deux sur la Valserine, deux sur Génissiat… »
Sur Bellegarde, il s’est tout particulièrement intéressé aux anciens commerces, et on lui doit une bonne part du premier livre « clichés d’autrefois », consacré justement aux boutiques du temps jadis.
Des travaux exposés au public
Membre émérite de l’association des collectionneurs de Bellegarde, dans laquelle il est fortement investi, Jacques a multiplié les expositions, notamment au château de Musinens ou à l’hôtel de ville, avec, entre autres, Jean-François Terraz : « Nous avons traité de la Guerre, du commerce, de la ligne ferroviaire du Haut-Bugey, etc. »
Bref, Jacques était tout à fait l’homme qui convenait pour apporter sa pierre au livre. « Mes documents ont permis d’apporter des éclairages sur la vie ouvrière en 1943, Lejaby, Les Variétés, dont Marcel Blanchard (fondateur de Lejaby, Ndlr) était l’imprésario… »
Contributions en série
Jacques a également fourni un courrier du 11 novembre 1943, relatif au sabotage, à Arlod, d’une usine suisse de matériel électrique. Détenteur de l’ouvrage « Le livre de ma vie », de Roger Cartaud, il a pu en extraire le témoignage de la rafle de Génissiat, le 12 février 1944 .
« Autre fait marquant, poursuit Jacques, l’omniprésence de la traque des juifs, alors même que nous étions encore en zone libre » Ainsi ce courrier du 23 mars 1942, une demande par « France Expansion » aux établissements Lejaby, de déclaration sous serment « de ne pas être juif, ni sous influence juive » ! Une pièce rare encore, la convocation à Vichy par le ministère de la sécurité d’un banquier bellegardien, délivrée avec une autorisation de circuler…
Autant de touches, au final, qui apportent de la profondeur et de la pertinence à l’examen de cette « Décennie sombre »…
Le cinquième volet de la décennie sombre traite de la libération de Bellegarde. Christophe Vyt, professeur d’histoire, nous en livre la substance.
« Bellegarde a connu trois libérations : le maquis libère la ville en juin 1944 ; en août, les Francs-tireurs partisans (FTP) de Haute-Savoie font de même après le départ des Allemands. Puis les forces alliées arrivent en septembre. L’ambiance est extrêmement tendue durant cette période. Il y a des règlements de comptes, l’épuration est assez violente, sans compter les vengeances contre les soldats et les femmes accusées, à tort ou à raison, d’avoir fricoté avec l’ennemi… »
« Malgré toutes ces divisions souvent douloureuses, on note de nombreuses tentatives de se rassembler autour de la résistance, avec la célébration de cérémonies qui précèdent l’explosion de joie du 8 mai 1945… »
Cette photographie a très probablement été prise le 8 mai 1945.
Ce couple pose sur l’avant d’une Peugeot qui défile dans la rue de la République. Madame est habillée en tenue traditionnelle alsacienne : vient-elle de cette région ou fête-t-elle seulement son retour au sein de pays ?
L’Alsace a en effet été au cœur des guerres franco-allemandes et avait été perdue de 1871 à 1918, puis de 1940 à 1945. Le 8 mai 1945 fut un jour de liesse à Bellegarde, comme partout en France et dans le monde. Les rues de la ville étaient pavoisées de drapeaux de la France et des pays alliés.
La foule s’assembla devant l’hôtel de ville, à 15h, pour écouter le message annonçant la capitulation allemande, qui fut célébrée par les sonneries des cloches et des sirènes.
Un immense défilé parcourut ensuite la ville, Forces Française de l’intérieur (FFI) et familles des tués en tête. Il arriva à la place Carnot et au monument aux morts, où furent prononcés des discours en l’honneur de la patrie et des victimes du conflit.
Enfin, des bals animèrent toute la nuit. La classe 1938 fit même un bûcher pour brûler une effigie d’Hitler, qu’elle avait auparavant pendue et exhibée dans toute la ville.
(Extrait de La décennie sombre, page 183)